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La tête dans le soleil et dans le vent

Vous marchez au bord de la mer, sous le soleil et les pieds dans l’eau turquoise. Un vent chaud défait vos cheveux. Vous levez le regard et vous apercevez au loin, entre les arbres, dix formes étranges qui rappellent des paravents géants, ou des voiles gonflées, ou des dossiers en osier, ou des coques ajourées. Elles sont très hautes. Jusqu’à 30 mètres de hauteur. Et vous vous interrogez: «C’est quoi ça?»

Celui ou celle qui survole le site voit à travers le hublot dix formes étranges se dresser le long d’une allée centrale, vides à l’intérieur mais avec une surface inclinée tout au fond. On dirait dix gants de baseball géants qui attrapent le soleil et le vent. Et on s’interroge: «C’est quoi ça?»

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Ça, c’est un centre culturel. Peut-être le seul dans toutes les îles du Pacifique. Rien à voir avec celui de Gatineau, de Gaspé ou de Châteauguay. Nous sommes en Nouvelle-Calédonie, au cœur du Pacifique, de l’autre côté de la planète. Cela veut dire culture différente, architecture différente et, surtout, climat différent.

Un peu d’histoire en rafales. La Nouvelle-Calédonie appartient à la France coloniale. Un jour souffle le vent de l’indépendance. Les troubles commencent. Un leader local, Jean-Marie Tjibaou, meurt assassiné en 1989. La France finit par reconnaître la culture kanake, tel que l’avait demandé Tjibaou.

Pour sceller la réconciliation, la France décide de consacrer la culture kanake à travers la construction d’un centre culturel. L’architecte italien Renzo Piano décroche le contrat. Il compte parmi ses réalisations le centre George-Pompidou à Paris et la reconstruction de la Postdamer Platz à Berlin.

Son projet est fou: fondre en un tout l’architecture moderne et la culture kanake. Crayon à la main, il dessine ce qui lui passe par la tête en écoutant un anthropologue lui raconter cette culture dont il ne sait rien. Sur les lieux, il constate que les vents violents du Pacifique et la lumière généreuse font corps avec les îles.

Le site retenu est une bande de terre étroite séparant l’océan d’un lagon, en périphérie de la capitale: Nouméa.

Inauguré en 1998 et portant le nom de Tjibaou, le centre culturel consiste en dix structures de bois et d’acier, de 20 à 30 mètres de hauteur, dont la tête évoque une hutte. Chacune d’entre elles renferme une case dont le toit circulaire est plat et incliné.

Chacune de ces dix cases abrite un lieu de diffusion de la culture kanak : lieu d’expositions, lieu de conférence, médiathèque consacrée au multimédia, médiathèque consacrée au livre, lieu de concert, ateliers et même une école.

Les dix huttes sont rapprochées par groupe de trois, constituant ainsi trois villages. Un sentier les relie.

Nuit et jour, ces dix huttes tournent le dos aux vents et aux tempêtes tropicales du Pacifique. Légères en apparence, elles sont robustes car, comme le roseau, elles plient sans se casser. Apparemment que le son du vent à travers les lattes de bois diffuse une musique étonnante.

Le centre culturel bénéficie donc d’une ventilation naturelle. Le vent s’engouffre dans des lucarnes qui s’ouvrent et se ferment au besoin.

Qui aurait dit un jour que la hutte allait faire son entrée dans l’architecture moderne?

La Nouvelle-Calédonie est un pays très peu connu. Si l’aventure vous intéresse, le Petit Futé est un guide vraiment complet.

Photo : iStockphoto LP

 

Références:
Nouvelle-Calédonie, Petit Futé, 2013, 354 pages
Centres culturels, architectures 1990-2011, Actes Sud, Cecilia Bione, 2009, 278 pages
Piano, Philip Jodidio, Taschen, 2012, 96 pages
Renzo Piano, Matteo Agnoletto, Actes Sud, 2009
Penser la ville heureuse, Renzo Piano sous la direction de Ariella Masboungi, Projet urbain, éditions de la Villette, 2005, 143 pages