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Un Beatle obsédé par sa propriété

Le propriétaire voulait  penser comme pensait l’ancien propriétaire. Il voulait se glisser dans sa peau, faire sa connaissance tellement l’homme lui apparaissait comme un personnage fantastique. À bout d’admiration, il lui a écrit des chansons.

Friar Park sur Wikipedia

Fin 1969. Le Beatle George Harrison veut acheter une maison qui pourra abriter un studio d’enregistrement avec, à l’extérieur, de nombreux jardins.
Son épouse Pattie Boyd parcourt la campagne anglaise. Au bout d’un an, le courtier immobilier voit une petite annonce dans le Sunday Times. Des religieuses cherchent à vendre une propriété appelée Friar Park.
Pattie est sonnée: jamais elle n’avait vu une maison comme Friar Park. C’était comme un immense château surgissant d’un conte de fée.

La propriété de style gothique s’étale sur trois étages et renferme une centaine de pièces. Les jardins s’étendent sur une vingtaine d’hectares.  Jardins anglais, japonais et autres. Quelque 20 000 tonnes de granit ont été accumulées pour une réplique de la fameuse montagne des Alpes, le Mattehorn, haute de 15 000 pieds.

De toute évidence, le premier propriétaire, Sir Franklin Crisp, était un excentrique. En déambulant à travers les couloirs,  George et Pattie croisent tours, tourelles, pinacles et gargouilles. Aphorismes et expressions comiques sont gravés sur les murs.

Des miroirs déformants garnissent les caves souterraines. Certaines d’entre elles ne sont accessibles que par bateau. On y trouve des stalagmites et stalactites. Le plat de résistance: une réplique de la grotte bleue à Capri. On y accède en ramant le long d’un couloir.

Mais la propriété avait été négligée. Exemples: un lac avait été transformé en dépotoir et de l’herbe sortait du plancher dans la salle à dîner. George et Pattie entreprennent des travaux de restauration qui dureront quatre ans.  Ils s’inspirent de cartes et de brochures d’époque pour tout réaménager.

Le hic est que George venait de plonger dans la méditation transcendantale. Il y consacrait des heures entières. Trop, selon Pattie. Il avait même emménagé un temple au dernier étage de Friar Park.

Déjà coupé en partie du reste du monde, le musicien s’enfonce dans le mystère de sa nouvelle demeure. Il en tombe éperdument amoureux. Il veut tout connaître. Et soudain, il devient obsédé par Sir Crisp. Selon Pattie, il voulait entrer dans l’esprit de l’homme, chausser ses bottes et il voulait le faire seul, sans elle.

L’attachement excessif  du Beatle à Friar Park est vu par Pattie comme l’une des causes de leur séparation qui surviendra en 1974.

Un beau matin, Harrison empoigne sa guitare et écrit «The ballad of Franklin Crisp». Il chante:

Fools illusions everywhere
Joan and Molly sweep the stairs
Eyes that shining full of inner light
Let it roll into the night …

Deux autres chansons: «Ding Dong Ding Dong» et «The answer’s at the end» empruntent des mots gravés sur les murs de la propriété. Selon un biographe du Beatle, une quatrième chanson se rapporte à Friar Park: «Crackerbox Palace».
Vous pourrez admirer la propriété  -elle est splendide-  et écouter les chansons de Harrison sur YouTube.

Références: Boyd, Pattie; Junor, Penny (2007). Wonderful Today: George Harrison, Eric Clapton, and Me. Headline Publishing Group

Wikipedia anglais aux articles Friar Park, The ballad of Sir Franklin Crisp, Ding Dong Ding Dong, Crackerbox Palace.

Photo : Russ Hamer CC Wikipedia