Je suis dans une toilette publique. Le type devant l’urinoir du fond parle tout seul. Il fait pipi, le téléphone contre l’oreille. Il ferme sa fermeture éclair, le téléphone contre l’oreille. Il se lave la main, le téléphone contre l’oreille. Il traverse la pièce en faisant du slalom entre les usagers, le téléphone contre l’oreille. Il ouvre la porte et disparaît, le téléphone contre l’oreille. Nous a-t-il vraiment vus? Pas sûr.
Je suis à Berlin. J’ai hâte d’échanger avec les voyageurs une fois au rez-de-chaussée. Je déboule l’escalier et je me pointe dans l’aire commune de l’auberge. Tout le monde a la tête penchée sur son téléphone intelligent, sa tablette ou son ordinateur portable. Gros silence. On aurait pu entendre une mouche voler.
Autrefois on blaguait, on échangeait, on se refilait des informations et des mises en garde. Cette époque semble révolue.
Je suis au parc du quartier. Un enfant joue dans l’aire de jeu. Papa est gentil de l’avoir emmené au parc, certes. Mais voilà, papa ne regarde pas fiston jouer. Il a lancé son fils dans les jeux, puis s’est cloué sur le banc. L’enfant tente d’attirer l’attention du père. Rien à faire. Papa a le regard rivé sur son téléphone intelligent.
Posons-nous la question. Fait-on la même chose à la maison?
Nous arrive-t-il d’oublier complètement la présence de nos enfants parce que nous avons les yeux sur le téléphone intelligent?
J’éprouverais un malaise profond si je voyais, un jour, un parent raconter une histoire à un enfant au lit, puis tout à coup, se lever, prendre son téléphone intelligent, et dire à son enfant: «Tiens, finis l’histoire tout seul. Tu peux lire quand même! J’ai une urgence.»
La maison est le lieu privilégié pour les échanges entre membres d’une même famille. Il vaudrait peut-être mieux qu’elle le reste. Du moins, dans l’intérêt des enfants.
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