Il était un lieu culte à l’époque du Flower Power, des excès de la révolution sexuelle et du mouvement Peace and Love. Comme certains hippies, l’édifice a refusé de vieillir, gardant toujours un pied dans les années 60. Heureusement car l’hôtel Chelsea ne serait qu’un hôtel parmi tant d’autres aujourd’hui. Ce qu’il n’est pas.
Construit dans le quartier Chelsea à New York en 1883, le bâtiment abritant une coopérative d’habitation se transforme en un hôtel de douze étages en 1905. Comme il se trouve dans le quartier des théâtres, le Chelsea devient l’hôtel chouchou des artistes de music hall.
Juste avant le début des années 60, l’hôtel se confirme dans son créneau en acceptant d’héberger des artistes gratuitement et parfois pour plusieurs années. La plupart des écrivains hippies de l’époque sont sans le sou et c’est à l’hôtel Chelsea que le plus illustre d’entre eux, Jack Kerouac, s’établit pour écrire une grande partie de ce qui deviendra le livre phare de la génération hippie : On the Road.
Le plus bel exemple reste le cinéaste tchèque Milos Forman. À Prague, Forman joue les contestataires en réalisant des films nouveau genre qui écorchent le gouvernement communiste. Se trouvant hors de son pays lors de la répression de Prague en 1968, Forman se voit interdire le retour au pays. Perplexe, il met le cap vers les États-Unis et se fixe à l’hôtel Chelsea qui lui ouvre les bras. Il y restera deux ans sans payer quoi que ce soit. Ou si peu.
Ce Forman fera la gloire de l’hôtel en créant plusieurs films célèbres après son départ : Hair (un hymne à la gloire des hippies), Vol au-dessus d’un de nid de coucou, Amadeus. Tous des films contestataires, donc à l’image de l’hôtel Chelsea.
Le scénariste français Jean-Claude Carrière, collaborateur de Forman, raconte sa première visite à l’hôtel : « Le Chelsea attirait, comme une grotte féerique, des personnages venus de tous les mondes. Une femme réalisatrice, dont le nom m’a échappé, vivait au dernier étage dans un petit appartement où des serpents tropicaux se tordaient lentement dans des vitrines. Elle élevait aussi des iguanes et des varans, reptiles antiques appelés à la rescousse de la nouveauté. Nous y avons connu de doux retraités et des hurleurs, des prophètes, des silencieux, des anonymes parlant une langue inconnue et même un gourou indien à la barbe grise. »
La liste d’artistes ayant séjourné à l’hôtel Chelsea serait trop longue à énumérer. Mentionnons Édith Piaf, Bob Dylan, Uma Thurman (Kill Bill), le couple d’artistes mexicain Frida Kahlo et Diego Rivera. Le chanteur québécois Leonard Cohen a écrit une chanson en l’honneur de l’hôtel. Joni Mitchell aussi.
D’ailleurs, Bill et Hillary Clinton ont appelé leur fille Chelsea parce qu’ils aimaient bien la chanson de Mitchell.
Pourquoi le titre « L’hôtel de tous les excès » ? Parce que l’hôtel Chelsea a temporairement fermé ses portes en août dernier. La raison : « L’intérieur du bâtiment est en état de délabrement et les résidents préfèrent payer leur loyer de leurs œuvres artistiques. Cela signe certainement la fin de la période mythique du Chelsea Hôtel», mentionne Wikipédia.
Source photo : Gyrofrog, Wikipedia Creative Commons Attribution Share Alike