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Le « Home Sweet Home » depuis le temps des cavernes

 

Geneviève s’est levée: « Moi, tout ce que je demande chez un gars, c’est que je sois assez bien avec lui pour faire des petits plats, élever des enfants, faire l’amour, jardiner, bricoler, m’évacher avec lui sur le sofa à regarder un film, à écouter de la musique ou à lire. Et qu’il me fasse rire du matin au soir! Le reste, je m’en fous! »

Sans le savoir, Geneviève venait de livrer une définition spectaculaire du mot cocooning. Le vrai, le pur! Un mode de vie que l’on fait par choix, non par obligation.

Quand les habitants de Sarajevo, dans les années 90, se sont terrés dans leurs maisons pendant trois ans pour échapper aux obus et aux snipers qui tiraient des collines, ils ne faisaient pas du cocooning! Ils luttaient pour leur survie! Quand un couple de Québécois s’enferme de novembre à mars en chialant contre la neige et le froid, il ne fait pas du cocooning! Il fuit l’hiver! Quand un homme reste tapi dans son logement du Vieux-Québec et qu’il frissonne de peur dès que l’on frappe à la porte, il ne fait pas du cocooning. Il souffre de paranoïa! Quand un Japonais gaspille sa vie à jouer aux jeux vidéo, oubliant de manger  et de dormir, il ne fait pas du cocooning! Il souffre de dépendance au jeu.

Un exemple frappant de cocooning réel reste l’exil intérieur de John Lennon. En 1975, apprenant que sa femme Yoko Ono était enceinte, il tira un trait sur sa carrière pour une période de cinq ans. Que faisait-il? Il éduquait son fils, lisait, regardait la télé, écoutait de la musique et faisait son propre pain. Pas d’album, pas d’entrevue, pas d’apparition à la télé. Peu de relations sociales. C’était un choix! Il revenait à son public lorsqu’il fut assassiné en 1980, devant chez lui justement.

Et c’est justement dans les années 80 aux Etats-Unis que le terme cocooning fit son apparition. Un coup de génie des stratèges du marketing pour aider les entreprises reliées à l’habitation à écouler leurs produits. Ces stratèges avaient remarqué que de plus en plus de gens passaient de plus en plus de temps à l’intérieur de leur maison. Pourquoi? La sévère récession de 1979-80 grugeait le bas de laine des Américains qui se voyaient forcés de rester chez eux. Sans compter que les prix, à la suite du choc pétrolier, n’arrêtaient pas de grimper.

De plus, les systèmes d’alarme à domicile se perfectionnaient! Quelle heureuse coïncidence! Dans un pays aussi violent que les Etats-Unis, avec l’explosion du terrorisme sur la planète et ces maudits pirates de l’air qui détournent les avions (la télé et les journaux n’arrêtent pas d’en parler!), mieux vaut rester chez soi.

Sauf qu’on ne s’ennuyait plus à la maison! La radio offrait des émissions de plus en plus variées, les canaux de télé se multipliaient, les bulletins de nouvelles se transformaient en spectacle et l’ordinateur faisait sa rentrée. Le téléphone, première invention technologique capable de nous connecter avec le monde extérieur, prenait un visage de fossile.

Flairant le filon, les stratèges de marketing ont dirigé leurs projecteurs vers la décoration et la rénovation, deux secteurs d’avenir. Le cocooning était né! Ses deux piliers étaient le confort matériel et la sécurité au foyer. Pour les 25 à 40 ans, la vie en banlieue avec ses pelouses, ses piscines et ses bungalows prenait son essor.

Remarquez que voir sa maison comme un cocon et un refuge a toujours existé! Aux temps des cavernes, gageons que beaucoup d’hommes et de femmes devaient préférer rester bien à l’abri dans la grotte au lieu d’aller chasser le gros mammouth ou de se faire trancher une oreille par une tribu rivale. De retour à la caverne, ils devaient grogner un « home sweet home » bien sonore dans leur langage primitif.

Et gageons qu’au Moyen Âge, avec toutes les légendes de bêtes diaboliques et de créatures monstrueuses censées hanter les chemins, rester bien au chaud à la chaumière devait être une coutume un brin populaire.

Et gageons qu’à l’époque de Louis XIV, ça devait être infiniment plus plaisant de jouir du luxe du Château de Versailles, comme se promener dans la salle aux miroirs, que d’affronter la hargne de la populace affamée dans les rues de Paris.

J’y reviens bientôt!