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Histoire d’une faillite russe

iStockphoto LP
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Cela n’a rien à voir avec la performance des Ovechkin, Kovalchuk, Datsyuk, Malkin et Markov dont l’équipe nationale n’a pu se qualifier pour les quarts de finale aux Jeux Olympiques de Sotchi, discipline hockey sur glace.

C’est plutôt  l’histoire  -qui se passe à quelques kilomètres de Sotchi-  d’un couple qui a été victime de la stratégie du cheval de Troie. Résultat: il a perdu sa maison. Il ne savait pas que le loup était dans la bergerie.

L’histoire est vraie et l’homme en question est le père de l’écrivain russe Anton Tchekhov, dont les pièces sont régulièrement jouées dans les théâtres montréalais : Ivanov, La cerisaie et La mouette. L’histoire est rapportée par Ernest J. Simmons, biographe de Tchekhov.

Le père de l’écrivain tient une épicerie dans le sud-est de la Russie. L’homme n’a pas le sens des affaires et ne sait pas composer avec la concurrence. Ses revenus sont maigres et il arrive à peine à mettre quelques sous de côté.

En 1874, il réussit à se faire construire une maison sur un terrain donné par son père. L’homme a mal calculé. Non seulement il a siphonné le peu d’épargne qu’il avait, mais il doit emprunter 500 roubles à une société de crédit local. Un employé de la société, un ami, endosse l’emprunt.

L’année suivante, l’épicerie pique du nez. L’homme ne peut rembourser les 500 roubles et les intérêts. Il déclare faillite. L’homme qui avait endossé son emprunt le poursuit en justice. Dépassé par les événements, le père de l’écrivain saute dans un train et s’enfuit à Moscou. Un membre de la famille lui aurait payé le billet.

Sa femme est déprimée. Restée seule au village avec ses enfants, elle broie du noir. Une connaissance de la famille, un certain Selivanov, lui propose d’aller habiter chez elle avec sa nièce. Cela assurera un revenu à Mme Tchekhov. De plus, ce Selivanov était fonctionnaire au tribunal où le mari de Mme Tchekhov devait être jugé. Était-ce positif ou négatif? La mère de l’écrivain opte pour le positif.

Erreur!

Par un tour de passe-passe juridique, ce Selivanov réussit à devenir propriétaire de la maison en ne versant que 500 roubles, soit le montant du prêt. Vous avez bien lu. L’homme que Mme Tchekhov abritait sous son toit, le même qui disait vouloir lui venir en aide en habitant chez elle, lui a chipé sa maison.

Puis, le tribunal ordonne que les meubles soient vendus aux enchères et que le produit de la vente soit remis à l’homme qui avait endossé l’emprunt. Bref, c’est la déroute!

Sans maison et sans meubles, Mme Tchekhov court rejoindre son mari à Moscou avec les enfants. Là-bas, le couple changera d’appartements treize fois en trois ans.

Seul Anton, l’enfant qui deviendra le grand écrivain, reste dans la maison familiale pour vendre les derniers biens de la famille.  Un jour, le nouveau propriétaire, Selivanov, lui offre de le garder en pension du moment qu’il donne des leçons à son neveu qui se prépare pour l’École militaire. Anton accepte le marché. Il y restera trois ans avant de rejoindre sa famille à Moscou. Là-bas, c’est la grosse misère noire.

La biographie de Simmons, intitulé simplement Tchekhov, se révèle également très utile pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la Russie, aux mœurs russes, aux tsars issus de la famille Romanov et à la période précédant la Révolution d’octobre qui  vit le communisme triompher.

Référence : Tchekhov, Ernest J. Simmons, éditions Robert Laffont, Paris, 1968, 728 pages
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