C’était en Nouvelle-Orleans, bien avant le passage de l’ouragan Katrina. En entrant dans la ville, je me suis perdu. Je me suis retrouvé dans un quartier pauvre peuplé de Noirs. Je me rappelle de ma première impression : le nombre. Ils étaient partout! Ils marchaient à plusieurs, sur le trottoir ou dans la rue, souriants et décontractés. Des dizaines d’enfants couraient de tout bord tout côté. L’ambiance était familiale.
Ce qui m’avait frappé aussi, c’était de voir des grappes de Noirs sur les balcons, les perrons, les vérandas, bavardant et riant, assis sur les marches, perchés sur les rampes, ou le postérieur sur une chaise ou un banc de bois.
Me voyant arrêté dans une station d’essence, quelques-uns s’étaient approchés de mon jeep Renegade flambant neuf et couleur rouge pompier. Un type s’était même assis côté chauffeur. Il sifflait tout en me posant des questions sur le véhicule.
Tout un contraste avec les quartiers blancs que je venais de traverser à Atlanta et dans d’autres villes! Dans ces quartiers aisés, nulle trace d’enfant qui joue. Nulle ambiance familiale. De bien belles maisons, des grosses bagnoles, mais peu d’atmosphère.
Je songeais à ça quand, farfouillant sur le Web, je suis tombé sur un texte d’Avi Friedman, chroniqueur au journal Métro-Montréal. L’architecte et urbaniste passait en revue les causes qui ont poussé de plus en plus de gens à se tourner vers le cocooning. Dans le texte il y avait cette phrase : «Pendant la décennie suivant la Deuxième Guerre mondiale, la maison nord-américaine typique a été dépouillée d’un élément architectural important : la véranda. La véranda fait fonction d’instrument social, au même titre qu’un endroit pour s’asseoir. »
Quand on y pense, l’hypothèse est pleine de bon sens. Ces grandes galeries le plus souvent vitrées qu’étaient les vérandas avaient le don de rassembler les gens sous le moindre prétexte. Tout comme les balcons et galeries du quartier de la Nouvelle-Orleans, mais absents des quartiers blancs. Tout comme ces longues galeries qui faisaient presque le tour des vieilles maisons à la campagne il n’y a pas si longtemps. Malgré la distance entre les résidences, les gens enfourchaient leurs vélos et allaient rendre visite à leurs voisins. Surtout les enfants! Je le sais pour l’avoir vécu dans mon enfance.
Alors, je me demande: si les vérandas revenaient, est-ce qu’il y aurait du monde dedans? Qui se montrerait le plus fort? La véranda ou les écrans? Jeux vidéos, télévision, internet, Facebook et Twitter….