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La pire crise de logement de l’histoire ? (suite)

19e s. Londres. iStockphoto
19e s. Londres. iStockphoto

Cette ruade sauvage, ce capitalisme tribal provoqua une crise de logement très grave. À Londres, une minorité de familles vivait dans une extrême richesse à l’ouest de la ville pendant que les habitants de l’est, le fameux East End, vivaient dans des taudis sombres et humides, s’entretuaient, mourraient de faim, végétaient dans des conditions hygiéniques atroces. Selon Engels, un million de travailleurs vivaient dans le East End, dont les quartiers de Soho (où se situait jusqu’à tout récemment le bureau de Paul McCartney) et de WhiteChapel (où Jack l’Éventreur a commis ses crimes).

À Manchester en Angleterre, l’une des premières villes industrielles de l’histoire, des gens vivant dans des caves devaient passer les murs à la chaux tous les deux mois pour désinfecter, fait remarquer Engels.

Pour oublier leur vie misérable sans issue, ces gens se regroupaient par dizaines dans des petits logements afin de se payer de l’alcool, du tabac et des soirées dans les tavernes.

Selon Engels, 90% de la population des grandes villes d’Europe (Londres Paris, Berlin, Vienne, etc.) n’avaient pas d’appartements dignes de ce nom. «Sous ce rapport, écrit-il, nous sommes au-dessous des sauvages. Le troglodyte a sa caverne, l’Australien sa cabane de torchis, l’Indien son propre foyer, le prolétaire moderne n’a pas, en fait, d’endroit où reposer sa tête.»

Cette énorme crise de logement affectait aussi les États-Unis. Engels rapporte une citation de la fille de Karl Marx: «À Kansas City, plus exactement aux alentours, nous vîmes de misérables petites baraques en bois, d’environ trois pièces, bâties sur des terrains incultes. L’emplacement avait coûté 600$ et était juste assez grand pour porter la baraque. Celle-ci avait couté 600$ autres dollars ce qui fait en tout 4800 marks pour une misérable petite cabane, à une heure de chemin de la ville, dans un désert de boue.»

La crise de logement faisait les manchettes de la presse. Si je me souviens bien, un Britannique était revenu des États-Unis scandalisé par ce qu’il avait vu: ces millions de travailleurs vivant dans des taudis. Vexé, le journaliste et écrivain américain Jack London (Croc-Blanc, L’appel de la forêt) avait pris le bateau pour ‘Angleterre et s’était installé à Londres pour décrire les conditions d’habitation des habitants du East End.

Faut pas oublier que cette masse énorme de travailleurs émigrant de la campagne vers les villes était du jamais vu dans l’histoire. Depuis 1872, écrivait Engels, le prolétariat grossissait à vue d’œil. Une grande maison pouvait abriter entre 10 et 30 familles à Paris et d’autres grandes villes d’Europe.

Pour aggraver la pénurie,  les premiers capitalistes, déjà très riches, démolissaient des maisons pour construire les premières boutiques, les premiers magasins et les premiers immeubles publics. C’est dans ces années que naît le Paris d’aujourd’hui: des grandes artères sont aménagées (Champs Élysées?), le long desquelles poussent des immeubles luxueux. Il faut exproprier aussi pour faire place aux premières voies ferrées.

Conséquence: les ouvriers sont refoulés vers la périphérie des villes.  À Berlin, les travailleurs sont jetés à la rue, rapporte Engels.

Ceux et celles d’entre vous qui ont lu les romans de Charles Dickens: David Copperfield, Oliver Twist, Contes de Noël ont une excellente idée de la pauvreté extrême qui sévissait à l’époque à Londres.

La suite demain.

Références : La question du logement, Friedrich Engels, Osez la république sociale,  France, 2012, 95 pages ; Wikipedia à l’article français révolution industrielle

photo : iStockphoto LP