J’ai rencontré Jean-Pierre Ferland une fois. Il déambulait dans la salle de maquillage de TVA. Il blaguait, souriait, taquinait le chanteur Daniel Lavoie. Il se promenait avec un air fier, tel un petit roi.
Au retour de l’enregistrement de la publicité prévue pour la télé, la chanteuse Luce Dufault est morte de rire. Je lui demande pourquoi. «C’est juste Jean-Pierre qui n’a pas cessé de pousser des blagues salées tout le long de l’enregistrement», dit-elle.
Y a pas à dire, Jean-Pierre Ferland était en très forme ce jour-là. Il était lui-même: espiègle, rieur, volubile, un brin hautain.
J’ai toujours aimé Ferland et je m’étais promis de me taper la biographie de Marc-François Bernier, Jean-Pierre Ferland, Un peu plus haut, un peu plus loin, publié en 2012. Je me suis finalement commis cet été.
J’ai revisité l’enfance du chanteur, ses débuts artistiques, sa période française, sa période américaine, ses joies et ses angoisses, ses exploits et ses échecs. Et ses femmes, bien entendu. La biographie est complète et se lit très bien.
Surprise: tout un chapitre est consacré au domaine de quelque 250 arpents du chanteur à Saint-Norbert, dans la région de Lanaudière.
Maintes fois Ferland a raconté l’histoire reliée à cette petite maison ancestrale: la découverte par hasard, l’achat même si l’homme était cassé comme un clou, la transformation du terrain en un domaine grâce entre autres à des travaux d’aménagement et de jardinage, la fameuse cabane à sucre, les chevaux.
Mais dans la biographie de Bernier, pour paraphraser sa célèbre chanson T’es mon amour t’es ma maîtresse, Ferland s’ouvre jusqu’au bout.
Et on a droit à des petits bijoux de déclaration, des témoignages d’amour que Ferland livre à sa maison bien-aimée. Exemples:
«Ma maison c’est trop important pour moi….Perdre cela aujourd’hui, je ne m’en relève pas. Je pense que c’est la plus belle femme que je n’ai jamais eu de ma vie.»
«Tout l’argent que j’ai fait je l’ai passé ici parce que j’aime cette maison-là. À chaque fois que je pars en vacances, je m’ennuie. Je reviens toujours. Je suis parti pour 15 jours, mais je reviens parce que le plus bel hôtel du monde c’est ici, c’est charmant.»
«La campagne est mon repère, mon hôpital, ma maison. J’ai une affection formidable pour cette dernière…J’y ai laissé plusieurs morceaux de peau parce que j’y ai beaucoup bricolé (sourire) Au fond, mon rêve s’est réalisé.»
«Je me suis rendu compte qu’elles (ses différentes maisons) venaient avec mes femmes, qu’elles n’étaient importantes que pour un temps –le temps d’un amour.»
Et ça continue comme ça tout le long du chapitre.
D’un tempérament agressif et violent, Ferland dit que sa maison à Saint-Norbert lui a permis de se réconcilier avec la douceur de vivre. Travailler sur son domaine lui permet de se débarrasser de ce qu’il appelle le garbage thinking.
Si Ferland pense vraiment le titre de l’une de ses plus célèbres chansons, Quand on aime on a toujours vingt ans, on risque peu de se tromper en affirmant que l’artiste n’a pas vieilli d’une ride quand on lit tout l’amour fou qu’il vit face à sa résidence de Lanaudière.
Référence:
Jean-Pierre Ferland, Un peu plus haut, un peu plus loin, Marc-François Bernier, les Éditions de l’Homme, 2012, 451 pages
Photo : statue de Jean-Pierre Ferland au musée Grévin Montréal dans Wikipedia, Creative Commons Attribution-Share alike à Eliedion