Pour avoir fréquenté le milieu de la construction pendant plusieurs mois, et avoir eu un père bricoleur, je sais que les travailleurs manuels aiment bien raconter leurs exploits entre eux. Des exploits et des anecdotes drôles. Ils les racontent comme les pêcheurs se racontent leurs histoires de pêche ou les chasseurs leurs histoires de chasse.
Je vois encore le vieux Bernard, ouvrier embauché par mon père pour l’aider à rénover notre maison, raconter ses propres histoires, une fesse posée sur l’une des marches de l’escalier, dans ce qu’on appelait toujours la «cave», devenue la veille un sous-sol.
L’autre jour à la bibliothèque, je suis tombé sur un titre accrocheur : J’ai rêvé d’un château. Je l’ai retourné et j’ai lu. L’auteur Michel Guyot raconte comment il en est venu à acheter des châteaux abandonnés ou en ruines pour ensuite les rénover. Ça se passe en France, bien sûr. Et cette phrase comme de l’éditeur comme amorce: «Sans fortune, ni grand diplôme, on peut combler ses espérances et même devenir un formidable bâtisseur de rêves.» Un peu plus loin : «Ce livre n’est pas seulement le récit des folies de Michel Guyot. C’est aussi une leçon de vie pour tous ceux qui souhaitent changer d’existence. Car chacun peut trouver au fond de lui-même l’énergie, la confiance pour devenir à son tour un bâtisseur de rêves.»
Michel Guyot a développé dans son enfance une passion pour les chevaux et les rituels des chevaliers, ce qui l’a conduit à acheter son premier château à 28 ans. Quatre ans plus tard, presque sans budget, il rénove un deuxième château comprenant, entre autres, deux hectares de toiture. Pour augmenter son budget, il amène des banquiers à financer un spectacle à grand déploiement dans l’espoir de faire un profit. Puis, il rénove deux fermes anciennes avant de réaliser le coup de sa vie : redonner vie à un nouveau château abandonné, celui de Guédelon, en le rénovant à la manière des gens du Moyen Âge, avec l’aide de charpentiers et de tailleurs de pierres.
Des photos nous montrent les chantiers en cours et la transformation des lieux avec la formule du «avant et après». C’est vachement impressionnant.
L’auteur raconte ses joies et ses moments de déprime Concernant le château de Saint-Fargeau: «Jacques et moi avons passé la première année à débroussailler, nettoyer, retaper, aménager. À imaginer aussi. Après quoi, il a fallu que je m’imprègne des décors classiques, que j’apprenne à restaurer des pilastres, remonter des arcs en plein cintre ou poser des ardoises. La passion donne une force énorme et pas seulement quand on a vingt ans. Lorsque j’ai repris la ferme en Provence, j’en avais quarante-cinq. J’ai travaillé jour et nuit, ça me rappelait le bon temps!»
Et puis, juste en dessous, au sujet de Guédelon: « Ce projet fou est le fruit de vingt ans d’expérience. Vingt années à réfléchir, observer, à faire preuve d’imagination, de bon sens et de pugnacité. Pour préparer ce chantier unique au monde, je me suis plongé dans l’archéologie médiévale et pendant deux ans j’ai sillonné la France des ruines pour comprendre le travail des bâtisseurs du XIIIe siècle. Et comme pour le reste, j’ai appris à poser des pierres, à étudier des plans de masse ou à faire des relevés. La passion ne connaît ni repos, ni week-end!»
Le passionné de rénovation passera un moment agréable à lire cet ouvrage, un verre à la main sur la terrasse, ou une fesse posée sur la marche d’un escalier comme le bon vieux Bernard.
Référence
J’ai rêvé d’un château, Michel Guyot, JC Lattès, 2007, 212 pages
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