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C’est ma maison! Sortez d’ici! (suite)

Mains horloge temps ISTOCKPHOTO famille
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Le camion chargé, on me demanda d’emmener le couple n’importe où, pourvu que je les éloigne le temps d’aménager leur nouvel appartement. J’avais trois heures à écouler.

J’ai décidé de les emmener dans leur quartier d’enfance. Les trois heures passèrent comme une balle. Le vieil homme racontait sa vie: «C’est dans cette école que Marc fit son école primaire», «Ici, c’était le quartier des Irlandais», «Là, c’était le restaurant du coin».

Le temps écoulé, nous nous sommes dirigés vers la résidence pour personnes âgées. Le problème, c’était de convaincre le couple de monter à l’étage. «Qu’est-ce qu’on fait ici?» demanda l’homme en regardant l’immeuble de douze étages. Je le lui ai dit. Il se renfrogna. «Mais j’ai une maison, moi!» La menace à nouveau: «Je veux un avocat! Si mes enfants veulent la guerre, ils l’auront!» Sa femme s’interposa: «Ils nous attendent en haut. Tu auras l’occasion de le leur dire face à face.»

Quand la porte de l’appartement s’est ouverte, «Surprise!» Tout le monde était là, les quatre enfants et les petits-enfants. Sur un meuble du salon trônait un écran plat de 40 pouces flambant neuf. Retraités, l’homme et la femme passaient leurs journées à regarder la télé. Il y avait bien deux ou trois nouveaux meubles. Par contre, le vieux sofa déformé était toujours là, la vieille table de cuisine, les photos de famille accrochées au mur. La décoration était quasi intacte, l’aménagement des chambres aussi. J’ai demandé: «Pourquoi avoir gardé tout le vieux stock?» Réponse: «La meilleure façon de réduire le choc était de transposer le décor de la maison à l’appartement. Les gens atteints de l’Alzheimer se sentent moins dépaysés.»

Le reste de la journée s’écoula. L’homme: «Pourquoi on est ici?» Réponse des enfants: «C’est ici que tu vis papa maintenant». L’homme: «Ah, je vois! C’est vraiment beau.»

Trente minutes plus tard. «Pourquoi on est ici?»

Que dites-vous de l’histoire? On oublie souvent que, outre les reprises par les banques à cause d’un défaut de paiement, des gens perdent parfois leurs maisons dans des circonstances indépendantes de leur volonté. Pour eux, c’est une véritable tragédie.

En lisant l’histoire de ce couple de personnes âgées, on voit combien une personne peut faire corps avec sa propre maison.

Source : Bourassa, J. l’Hebdo journal 28 avril 2010

Photo : iStockphoto LP