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Le palais suspendu

 

Je me suis levé vers trois heures du matin et je me suis rendu à l’endroit convenu. Nous étions plusieurs à attendre au bord de la rue en écoutant Jérusalem dormir. Puis, l’autocar nous a ramassés au cœur du quartier arabe et il a filé dans la nuit jusqu’à Massada, près de la mer Morte.

On a tous grimpé le sentier tortueux jusqu’au sommet du massif dans le noir total.

Une fois là-haut, on a écouté le silence en observant les étoiles. L’aube s’est pointée. Lentement la plaine s’est dégagée de l’obscurité, puis la mer Morte, puis le désert rocheux. Et tout au bout du massif, perché dans les hauteurs comme un nid de guêpes au bout d’une poutre, est apparu le palais d’Hérode le Grand. Il gisait sous nos pieds, pratiquement suspendu dans le vide, à 400 mètres du sol.

Oui, oui, vous avez raison! Hérode le Grand, c’est le gars qui a fait tuer tous les bébés de la Palestine lorsque le bruit a couru que le Messie, le libérateur des Juifs, venait de naître quelque part dans le royaume. On parle de Jésus de Nazareth, bien sûr.

Je suppose qu’Hérode, Juif placé sur le trône par les Romains pour tenir son peuple en laisse, pouvait bien vivre avec le mot Messie. Mais l’expression libérateur des Juifs, il devait trouver ça moins l’fun! C’est plus difficile à avaler disons. Un roi dort un tantinet inquiet.

Paranoïaque, Hérode n’a couru aucun risque. La seule façon de se débarrasser de la bête à ses yeux, c’était de tuer toutes les bêtes. D’ailleurs, il a fait tuer sa propre femme à un moment donné.    

Voilà pourquoi Hérode s’est fait construire un palais à l’extrémité de Massada. Personne ne pouvait l’atteindre dans les hauteurs. Et plein de soldats vivaient sur le massif entre les entrepôts d’armes et de ravitaillement. Hérode se sentait en sécurité.

Pour vous donner une idée de la forteresse naturelle, quand les Romains reprirent Jérusalem et détruisirent le temple en l’An 70 après Jésus-Christ (il ne reste que le mur des Lamentations d’aujourd’hui), les derniers Juifs en fuite se réfugièrent à Massada.

Les Romains encerclèrent le massif en construisant huit camps militaires reliés par un mur circulaire. Ils mirent un an à tenter de déloger les rebelles. Finalement, ils ont construit une rampe d’assaut qui leur a permis d’accéder au sommet. Selon les historiens, 15 000 légionnaires romains faisaient face à 1000 Juifs seulement, femmes et enfants compris.

Une fois là-haut, les Romains n’ont trouvé que des dépouilles. Affamés, épuisés, les derniers Juifs qu’on appelait Zélotes avaient préféré mourir au lieu de se rendre.

Chaque chef de famille avait tué sa femme et ses enfants, puis les survivants désignèrent dix d’entre eux pour tuer les autres. Le dernier s’est suicidé. Deux femmes et cinq enfants cachés quelque part ont raconté les derniers moments des rebelles.      

Mais revenons au palais d’Hérode. Il ne reste que des vestiges aujourd’hui. À l’époque, c’était une villa de luxe élevée sur trois paliers comprenant quatre chambres, des colonnes majestueuses, une piscine (au cœur du désert), des fresques murales au premier étage, un long balcon pour admirer la Judée et la mer Morte.

Hérode avait emmené ses chums et sa clique avec lui. Du moins ceux et celles qu’il croyait utile de protéger si jamais les Juifs au sol décidaient de se révolter. Il y avait donc des petits palais disséminés le long du plateau rocheux. Plus une écurie, une dizaine de citernes pour recueillir l’eau de pluie, des bains publics. C’était une petite ville en soi.

On voit encore des traces du camp militaire romain au pied du plateau ainsi que celles de la rampe d’assaut. Le site transformé en parc national est sous la protection de l’Unesco.

Au fil du temps, Massada est devenu le symbole de la résistance juive. On m’a raconté que les soldats du corps des blindés de l’armée israélienne font leur serment au sommet du massif. Et tous ensemble ils s’écrient: « Non, Massada ne tombera pas une deuxième fois! »

(Photo du haut, on voit les vestiges du palais à l’avant-plan)

(Photo du bas, la mer Morte au loin)