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La maison abritait des espions

Posons en principe que vous avez une voisine avec laquelle vous vous êtes liée d’amitié. Cette femme  -appelons-la Diane- vient vous rendre visite deux à trois fois par semaine. Juste pour bavarder et prendre une tisane. Diane parle beaucoup, c’est là son moindre défaut. Elle vous étourdit parfois. Mais elle est tellement attachante!

Diane adore les enfants. Les vôtres en particulier. Elle leur achète des bonbons, des bandes dessinées, des films. Faut comprendre Diane car la pauvre n’a pas d’enfant et n’en aura jamais.

Parfois, son mari l’accompagne. Sympathique mais plutôt réservé ce Robert. Les gens du voisinage aiment échanger avec lui car il sait un tas de choses sur un tas de sujets.

Photo Russell Trebor CC Attribution-Share Wikipedia

Bien sûr il vous arrive d’aller chez Diane qui demeure presque en face de chez vous. La résidence n’a rien de spécial. C’est une maison de banlieue parmi tant d’autres, mises à part les dizaines de livres qui s’entassent dans toutes les pièces. N’oubliez pas : Robert  sait un tas de choses sur un tas de sujets. Il possède une librairie de livres d’occasions à Montréal.

Un détail vous agace: vous avez remarqué que Diane et son mari semblent veiller tard la nuit. Très tard. Et souvent. C’est comme ça depuis que le couple habite en face de vous. Depuis cinq ans en fait. Pour le reste, c’est un couple sans histoire.

Un beau matin, des policiers frappent à votre porte. Ils vous demandent de bien vouloir les accueillir dans votre maison. Tous les jours et pendant des semaines. Pourquoi? «C’est une question de sécurité nationale.»

La trouille vous pogne, comme on dit en bon québécois. « Vous avez bien dit sécurité nationale? » Les policiers font signe que oui.

Après un tour rapide de votre maison, ils vous annoncent qu’ils s’installeront dans la chambre de l’un de vos enfants. Torturé par la curiosité, vous posez la question qui vous brûle les lèvres : « De quoi, il s’agit au juste? Ou plutôt de qui? » Et les policiers de répondre: « Connaissez-vous bien une certaine Diane qui habite en face de chez vous? Et son mari Robert? »

Vous êtes sonnés!

Les policiers en rajoutent: « On les soupçonne d’être des espions pour le compte d’un pays étranger.»

Ils vous expliquent qu’ils doivent accumuler des preuves le  plus vite possible. La maison de Diane et de Robert est peut-être déjà bourrée de secrets de la Défense nationale. Il faut les arrêter au plus vite.

Bien sûr, vous devez continuer d’accueillir Diane et Robert dans votre maison. Rien ne doit changer pour ne pas leur mettre la puce à l’oreille.

Tous les jours, hommes et femmes se relaient à la fenêtre de la chambre de votre enfant. Deux mois durant lesquels vous recevez Diane et bavardez avec elle tout en buvant de la tisane. Pourtant, vous savez très bien que, un peu à cause de vous, votre amie sera bientôt  jetée en prison. Son mari Robert aussi.

Un beau matin, les policiers –des spécialistes du contre-espionnage- vous apprennent que Diane et Robert seront arrêtés le soir même. Vous avez une envie soudaine de tout raconter à votre amie. Mais vous vous abstenez.

Le soir même, Robert et Diane sont arrêtés pour espionnage. Voilà pourquoi ils veillaient si tard. La nuit, ils retiraient un émetteur récepteur du sous-sol et transmettaient les informations recueillies par d’autres espions à un pays étranger.

Il s’agit d’une histoire vécue qui remonte à la fin des années 50. Diane s’appelait Lona Cohen, son mari Morris. Ils vivaient à Ruislip en Grande-Bretagne et travaillaient pour les Soviétiques.

Avec l’aide d’articles sur Wikipedia anglais : Morris Cohen (spy); Lona Cohen; Portland spy ring.

Photo : Russell Trebor Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0 license Wikipedia