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De la vaseline pour chasser le pic-bois

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Pic-bois flamboyant. iStockphoto

«Pic-bois laisse-moé pas tranquille!» chantait Beau Dommage dans les années 70.
Mon frère, lui, priait ardemment pour que le pic-bois le laisse tranquille, lui et sa famille.

L’été dernier, il entendit cogner à répétition sur le mur extérieur de sa résidence. Il comprit que c’était un pic-bois. L’oiseau frappait sur la gouttière. Quelle drôle d’idée! On sait que le pic-bois se nourrit de larves en frappant de son bec l’écorce des arbres. Pourquoi une gouttière de maison?

Jour après jour le pic-bois cognait. Très tôt le matin. Il cognait, cognait, cognait. Et le pic-bois ne faisait aucune différence entre un dimanche et un lundi. Histoire de jeter de l’huile sur le feu, il revenait parfois en fin de journée.

La famille de mon frère était à bout de nerfs. Surtout mon neveu, un oiseau de nuit qui faisait parfois la grasse matinée. Un beau matin, alors que le pic-bois tambourinait joyeusement le long de la gouttière, mon neveu se leva et exprima toute sa frustration face à l’envahisseur ailé.

Mon frère ne savait vers qui se tourner. Il sombrait dans le découragement jusqu’au jour où un voisin lui suggéra d’étendre de la vaseline à l’endroit où le pic-bois venait s’agripper. Eureka! Le pic-bois n’est plus jamais revenu. Et mon frère était soulagé d’avoir échappé à l’obligation d’étendre de la vaseline tout le long de la gouttière.

Curieux, j’ai envoyé un courriel à une amie pour qu’elle m’explique le comportement étrange de ce drôle de moineau qu’était le pic-bois de mon frère. Pourquoi s’attaquer à une gouttière? Mon amie s’est transformée en ornithologue amateur depuis cinq ans. Sa cour arrière est devenue un aéroport muni de plusieurs pistes d’atterrissage.

Voici  sa réponse: «Ce n’est pas le métal ou le plastique que le pic-bois aime. C’est le bruit que cela fait. Le pic trouve sa nourriture en frappant sur les objets. Au son, il sait ce qui se cache derrière.  Aussi le pic ne se sauve pas s’il entend du bruit. Au contraire, il va tenter de savoir d’où vient le bruit. Et il y a parfois des pics qui tombent en amour avec un son et ils ne le lâchent plus.

«Autrefois chez moi, un pic venait frapper du bec le pourtour en métal du filet de basketball. À bout de nerfs, j’avais tout simplement enlevé le filet. Je ne connaissais pas le truc de la vaseline. Je trouve cela vraiment drôle.»

La même journée, je recevais un deuxième courriel de mon amie. «Je viens de lire sur internet  que le pic fait aussi du tambourinage au printemps pour exprimer son amour à la femelle.»

Cet épisode de la vie de mon frère me rappelle celui de Lawrence d’Arabie. Reclus dans sa modeste demeure anglaise,  il  lutta farouchement contre un oiseau qui venait frapper sur sa vitre, jour après jour. De mémoire, je crois que l’aventurier britannique avait fini par le tuer. Le lendemain ou quelques jours plus tard, il mourut dans un accident de motocyclette. Il n’en fallut pas plus pour que des admirateurs de l’homme, superstitieux de nature, n’établissent un lien de cause à effet.

photo : iStockphoto