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Une maison porteuse de guerre

Les lecteurs et lectrices de ce blogue savent combien nous aimons nous attarder sur ce qu’on peut appeler « la deuxième vie » d’un immeuble.

Exemples : tout le monde sait que la première fonction d’une maison est de fournir un abri à l’être humain. C’est ce qu’on appelle un foyer. Tout le monde sait que la première fonction d’un hôtel est de fournir un abri temporaire au voyageur. Tout le monde sait que la première fonction d’un atelier ou d’un immeuble à bureaux est de fournir un toit aux travailleurs.

Les maisons, les hôtels, les immeubles, ils sont des millions de par le monde. Anonymes, discrets et fonctionnels. Pourtant, beaucoup d’entre eux arrachent un regard au passant, un sourire, un geste: «As-tu vu? » dit un passant à l’autre en pointant le bâtiment du doigt.

C’est ce qui se produit lorsqu’un immeuble revêt tout à coup la cape du symbole : le Watergate à Washington, le Bateau Lavoir à Paris, l’Empire State Building et le Chelsea Hôtel à New York, l’Alhambra en Espagne, le Hawa Mahal en Inde, tous des immeubles que nous avons abordés dans notre blogue. À qui la faute? À l’Histoire qui a imprimé sur les murs de ces bâtiments une empreinte indélébile.

Récemment, l’être humain a posé un geste plutôt rare. Il s’est empressé de détruire une villa à coup de pelles mécaniques car il avait peur qu’elle ne renferme les germes d’une nouvelle guerre, d’une nouvelle série d’attentats terroristes, d’un nouvel acte de barbarie. Il s’est empressé de la détruire avant qu’elle ne devienne une maison culte.

« CIA aerial view Osama bin Laden...» Photo Pilettes Wikipedia

C’était la villa d’Oussama Ben Laden.

Cela peut paraître anodin, mais la hâte avec laquelle les Pakistanais ont fait disparaître la résidence maudite montre combien un immeuble  -pourtant ce n’est qu’un amoncellement de matériaux inoffensifs-  peut se charger d’une émotion parfois insoutenable.

Ben Laden habitait cette villa depuis au moins cinq ans. Un mur de quatre mètres de hauteur entourait l’immeuble. Le 2 mai 2011, un commando américain a pris la résidence d’assaut.  «L’architecte» des attentats du 11 septembre 2001 a été tué, tout comme ses gardes et l’un de ses fils.
Les bulldozers ont mis deux jours pour effecteur le travail de démolition.  Selon l’agence France-Presse, 500 policiers et soldats étaient postés autour du bâtiment. Pourquoi fallait-il se dépêcher autant? Pour éviter que la villa ne devienne un symbole de la lutte des extrémistes musulmans contre l’Occident, d’autant plus que le raid américain allait bientôt fêter son premier anniversaire.

Déjà des milliers de personnes s’étaient agglutinées autour de la villa ces derniers mois. On avait même procédé à des arrestations.

La villa devait disparaître. Et vite!