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Un serpent derrière le rideau

 

J’étais parti à l’aventure dans l’Ouest américain. Un « Nowhere » comme on dit. Un vrai! À bord de ma jeep Renegade rouge pompier, le toit retiré, j’avalais les kilomètres : Toronto, le Michigan, l’Indiana, l’Illinois, l’Iowa, le Nebraska, le Colorado pour finalement aboutir à Four Corners, une région réputée touristiquement car elle réunit les coins de quatre états : le Colorado, l’Utah, Le Nouveau-Mexique et l’Arizona. En fait, on laisse les Rocheuses pour tomber subitement dans le désert. L’effet est impressionnant.

Étourdi par les grands espaces, je décide de m’arrêter sur le bord du chemin pour mieux sniffer l’air du désert. Je marche trente minutes en ligne droite, pas plus pour ne pas perdre la jeep de vue. Je reviens, saute dans la jeep et entreprends le voyage de retour.

Journaliste à l’époque, je reprends le circuit des conférences de presse à Laval.

Le teint basané, des images plein la tête, je pète le feu. Je croise une fille que je connaissais et je lui conte mon périple. Elle m’a dardé du regard.

-Are you crazy?

Je la regarde, hébété.

-Tu t’es promené dans le désert sans bottes aux pieds?

-Euh…oui. C’est quoi le problème?

-Mais le désert est plein de serpents!

Je l’avais trouvé bien bonne.

-Des serpents! Mais nous approchons de l’an 2000! Les histoires de cowboys et d’Indiens, c’est fini ça! C’est du folklore! Les serpents, on voit juste ça dans les films western.

Elle est rouge de colère. Elle m’explique qu’elle a demeuré plusieurs années dans l’état de l’Oklahoma, non loin de Four Corners, et qu’à chaque année les gens organisaient des chasses aux serpents tellement ils étaient nombreux. Et que les bottes de cowboy, ce n’est pas un mythe. C’est justement pour échapper aux morsures de serpent. C’est pour ça qu’on en porte encore dans l’Ouest américain.

-Son venin est mortel, avait-elle cru bon d’ajouter.

Je l’ai quittée avec un air fanfaron. Mais dans le tréfonds, j’avais la trouille.

Plus tard, j’ai raconté l’histoire à un gars. Mon aventure américaine en jeep, la ballade dans le désert sans bottes aux pieds, la montée de lait de la fille de l’Oklahoma. Le gars a pouffé de rire. Mieux, il en a rajouté.

-C’est pas pour rien qu’un club de baseball s’appelle les Diamondbacks de l’Arizona. C’est parce que ça fourmille de serpents dans ce coin-là.

Et là, il m’a raconté une histoire plutôt marrante.

-Je connais une femme qui a habité en Arizona. Un jour qu’elle passait l’aspirateur, elle a éloigné le sofa de la fenêtre. Elle s’est retrouvée face à face avec un serpent enroulé en boule derrière le rideau. Et sais-tu quoi? Apparemment que ça arrive souvent là-bas. Les serpents sont si nombreux qu’ils se glissent dans les maisons. Voilà pourquoi ils organisent des parties de chasse.

Qui veut aller demeurer en Arizona?

(Photo: un crotale diamantin, Diamondback en anglais, prise par Clinton et Charles Robertson de Wikipedia)