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Qui a peur du noir?

La fille de ma copine me racontait en fin de semaine que lesmurs entièrement noirs sont à la mode. Les gens peignent un mur noir etpermettent à des invités d’y écrire tout ce qui leur passe par la tête. Le plussouvent avec une craie. Le noir est mat, évidemment.

L’idée n’est pas folle. C’est un prétexte intelligent pourappliquer du noir sur un mur. Je mets l’accent sur le mot prétexte car, auxyeux de la masse, opter pour du noir est un brin dérangeant. Celui ou celle qui« trippe » sur le noir en matière de décoration passe parfois pour unmarginal, un gothique malfaisant, une personnalité macabre.

Utilisé avec parcimonie, le noir n’a pas son pareil pourrehausser une couleur. Lors de ma visite du château d’Elvis à Memphis, j’avaisaperçu une pièce aux murs noir et jaune, les deux couleurs couvrant une surfaceégale. L’effet était impressionnant. Le noir excelle aussi à mettre le rouge enrelief.

Le noir se défend bien comme couleur prédominante àcondition qu’une deuxième couleur vienne ajouter de la clarté à la pièce. Dansmes multiples déplacements sur le Web, je me souviens avoir admiré un cinémamaison aux murs noir. Les quatre! Par contre, un plafond blanc permettait à lapièce de respirer.

À l’époque où je dévorais les biographies musicales, j’avaisconstaté que beaucoup de vedettes rock et des gens de leur entourage avaient unfaible pour le noir. Jimi Hendrix entre autres. Le légendaire guitaristedormait à un moment donné dans une chambre entièrement noire, y compris lesdraps et les couvertures. Plus sombre que ça, tu meurs!

Et puis, il y avait cette Astrid Kirchherr, la photographeallemande qui a eu l’honneur de prendre les premières photos de quatre gars quiallaient peu d’années après secouer la planète entière : les Beatles.

En farfouillant dans mes notes, j’ai trouvé une citation dela première femme de Lennon qui avait bien connu Astrid Kircherr. « Chezelle, tapis persans et chandeliers volaient la vedette dans la décoration.Entrer dans sa chambre, c’était comme entrer dans le monde du futur : murset plafonds couleur argent, lit noir avec des projecteurs qui éclairaient des peintures. Astrid était vraiment enavance sur son temps. »

En réalité, non seulement le lit de la photographe deHambourg était noir, incluant les draps de satin et le couvre-lit, mais lesmurs étaient noirs et lambrissés d’argent.

Et puis, il y a cet architecte essayant d’expliquer pourquoiil ne sombrait pas dans la déprime même s’il vivait dans un logement peint touten noir. Le secret : de grandes fenêtres dirigées vers le sud pour capterl’essentiel du soleil et des plafonds de quinze pieds de hauteur réussissaientà soustraire la pièce à la lourdeur et au pessimisme d’un noir omniprésent. 

Comme toutes les couleurs neutres, le noir reste une couleursobre et pure. Mais sa vertu première je pense est d’ajouter de l’élégance à undécor, comme le fait la pièce d’un habillement : chapeau melon, gant,veste.

Mais n’écartons trop vite le côté rebelle du noir,popularisé par les James Dean et Marlon Brando.

(Photo Jérôme Galland Aleph, marieclairemaison.com)