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L’enfer à l’hôtel

(Suite du billet Frissons à l’hôtel)

Les communistes ont pris le pouvoir en Russie en 1917. Ils s’invitent en Allemagne et affrontent socialistes, conservateurs, libéraux dans les rues de Berlin. Et même dans le hall de l’hôtel! Louis Adlon devra user de diplomatie pour protéger l’héritage de son père.

Car non seulement l’hôtel n’a rien perdu de son prestige, mais il est au cœur des Années folles que sont les années 20. Écrivains, artistes, hommes d’affaires se bousculent dans les chambres, au bar, dans le hall, dans la salle à manger. Aux aristocrates de l’époque succèdent les Charlie Chaplin (qui perd son pantalon dans le hall), la sulfureuse Marlène Dietrich, Albert Einstein, Enrico Caruso, Henry Ford et bien d’autres.

La Deuxième Guerre mondiale éclate. Des journalistes du monde entier logent à l’hôtel Adlon. C’est que l’édifice est pratiquement situé dans l’antre de la bête. Les journalistes peuvent se rendre aux bureaux d’Adolf Hitler et de son état-major, à pied, en moins de quinze minutes. Et juste à côté de l’hôtel se dressent les ambassades britanniques, françaises et américaines, tous des pays alliés contre Hitler.

Espions, informateurs, militaires, attachés d’ambassade, journalistes circulent au resto et au bar, réservent des chambres, se croisent dans le hall d’entrée. Parmi eux, les nazis avec leurs grosses bottes. Louis Adlon réussit à ménager leur susceptibilité pour éviter les drames.

La fin de la guerre approche. Hitler est en train de perdre. Les Alliés se rapprochent de Berlin: les Américains à l’ouest, les Soviétiques à l’est. La ville sera bientôt bombardée.

Louis Adlon fait construire un abri anti-bombes sous l’hôtel et un mur de briques devant le hall d’entrée pour protéger les clients. Au plus fort des bombardements, certains locaux de l’hôtel seront transformés en chambres d’hôpital.

Miracle: l’hôtel survit au bombardement. La scène est incroyable. L’établissement se tient debout au milieu des ruines.

Hitler se suicide dans son bunker, près de l’hôtel. Puis, le personnel de l’établissement voit défiler les Soviétiques sous la porte de Brandebourg, les premiers à entrer dans la ville.

Quelques jours plus tard, des soldats soviétiques en état d’ébriété mettent le feu dans la cave à vin. Presque tout l’immeuble brûle. L’hôtel entre dans la légende.

Cinq jours après, Louis Adlon se fait fusiller, victime d’un malentendu. Voyant l’hôtelier se faire appeler «général» ou quelque chose du genre, des soldats soviétiques ivres l’ont pris pour un haut dirigeant de l’armée allemande.

On connaît la suite. Les Soviétiques refusent de partir. Berlin est divisée en deux. Capitaliste à l’ouest, communiste à l’est. Les ruines de l’hôtel se trouvent au cœur du no man’s land, qui divise l’Europe en deux. Plus tard, le mur de Berlin traverse le terrain. Les ruines de l’hôtel se retrouvent dans la zone communiste, derrière le mur.

Selon Wikipedia: « En1964, le bâtiment fut rénové et la façade refaite. Toutefois, en 1970, ce qui restait de l’hôtel Adlon d’origine fut fermé et transformé en maison d’hébergement pour les apprentis d’Allemagne de l’Est. Enfin, en 1984, le bâtiment fut démoli.»

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Le mur de Berlin tombe en novembre 1989. Une entreprise allemande rebâtit l’hôtel en s’inspirant de l’architecture du bâtiment original. Son nom: le Hôtel Adlon Kempinski Berlin.

Hedda Adlon, épouse de Louis, raconte toute l’histoire dans Hotel Adlon: The Life and Death of a Great Hotel. On en apprend gros sur la décoration de l’hôtel, les deux guerres mondiales, les années folles, les vedettes de l’époque et l’histoire de Berlin.

Il y a aussi le documentaire The Glamorous World of the Adlon Hotel, réalisé par Percy Adlon.

Si vous passez par Berlin un jour, prenez un verre au bar de l’hôtel, fermez les yeux et revivez l’histoire.

Références:

Hotel Adlon: The Life and Death of a Great Hotel, Hedda Adlon, Barrie Books, 1958

Wikipedia anglais à l’article Hotel Adlon

Wikipedia anglais à l’article Lorenz Adlon

Wikipedia anglais à l’article Louis Adlon

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