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Douze maisons rouges en enfilade!

J’ai grandi aux alentours du village. Je les ai croisées pendant plus de vingt ans.  À pied, en vélo, en auto. Pour moi, ces douze maisons n’avaient rien d’extraordinaire, sinon qu’elles étaient rouges. Puis, j’ai quitté le village pour aller gagner ma vie.

photo de Fralambert sur Wikipedia
photo de Fralambert sur Wikipedia

À force de revenir, une ou deux fois par année, j’ai fini par les voir d’une manière différente. Plus les années passaient, plus le regard se faisait neuf. J’ai fini par les trouver intéressantes, puis belles, puis exceptionnelles. Récemment, j’ai lu que les douze maisons avaient été classées site patrimonial par le gouvernement du Québec en 2008.

Si vous roulez sur l’autoroute 40 entre Montréal et Québec et que vous cherchez un endroit où vous arrêter un moment pour manger, arrêtez-vous à Yamachiche, petit village à l’ouest de Trois-Rivières. Garez-vous sur le terrain de stationnement de l’église et asseyez-vous dans le parc juste à côté.

En face de vous s’étaleront douze maisons consécutives, toutes du même côté de la rue. Elles sont faciles à reconnaître car elles sont toutes en brique rouge. Le blanc éclatant des éléments décoratifs, en bois ou en fonte, ajoute de la puissance au rouge déjà spectaculaire.

De loin vous décèlerez un petit quelque chose de particulier dans ces douze maisons. À force d’observer, vous vous apercevrez que vous n’êtes pas devant des maisons ordinaires. Tranquillement le mot architecture va se glisser dans votre esprit. Cela peut paraître pompeux. Pourtant les experts en patrimoine bâti sont unanimes: l’ensemble architectural des douze maisons rouges est exceptionnel.

Si vous avez le temps, permettez-vous une petite promenade sur le trottoir et arrêtez-vous un moment devant chaque maison. Observez les toits (à deux versants droits, à deux versants à larmiers retroussés, en pavillon et plats), les lucarnes, les balcons, les frontons, les pignons, les galeries couvertes, les baies en saillie, les corniches (qu’on dit à console), les frises, les balustrades, les soupiraux, les portes parfois à double vantail. Vous comprendrez alors l’admiration des spécialistes.

À leurs yeux, les bâtisseurs ont pris plaisir à mélanger les styles d’architecture. L’inspiration victorienne domine, mais un type d’architecture américaine (vernaculaire) et même strictement québécoise se laissent entrevoir.

Ces maisons ont été construites entre 1850 et 1900. Elles étaient destinées à l’élite du village d’où leur côté bourgeois. Elles sont l’œuvre des architectes et entrepreneurs Joseph et Georges-Félix Héroux, deux hommes qui, à l’époque, ont fait un stage d’études en Italie et bâti une multitude d’églises au Québec et en Nouvelle-Angleterre.

Fait cocasse: selon un ornithologue, une espèce d’oiseau raffole des douze maisons en brique rouge. Tous les ans vers la mi-mai, le martinet ramoneur confectionne son nid dans l’une des douze cheminées. Juste avant le coucher du soleil, les martinets se regroupent et tracent des cercles dans le ciel avant de disparaître dans les cheminées.

À ne pas confondre avec les hirondelles qui leur ressemblent. Selon l’ornithologue, le martinet crie sans cesse au vol. Les battements d’ailes sont rapides suivis d’une longue glissade. L’oiseau est noir et sa queue carrée.

Références: Municipalité de Yamachiche ; Patrimoine culturel Gouvernement du Québec ; L’Écho de Maskinongé : Historic Places ; Yamachiche et son histoire 1672-1978, J.Alide Pellerin, Éditions du bien public, 1980, 785 pages
Photo de Fralambert, Wikipedia Creative Commons