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C’est quoi un cagibi?

Ma conjointe me demande d’aller chercher quelque chose dans le cagibi.

-Le quoi? dis-je.

-Le cagibi.

Je suis resté bouche bée.

-Le KGB? dis-je.

Elle se retourne vivement.

-Tu ne sais pas c’est quoi un cagibi!

-Un KGB?

Elle secoue la tête.

-Ca-gi-bi, scande-t-elle.

Le KGB est le nom de l’ancienne police secrète du temps de l’Union soviétique. Et c’est réellement ce que j’ai entendu. Phonétiquement, les deux mots se ressemblent. Avouez.

-Le cagibi, là où est le réservoir d’eau chaude, insiste ma conjointe.

-T’appelles ça un cagibi? Chez nous, c’était la dépense.

iStockphoto
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Je viens de la Mauricie et jamais je n’avais entendu le mot cagibi. Ma conjointe, elle, a grandi dans les quartiers Pointe-St-Charles et Rosemont à Montréal. Depuis ce moment, la blague est restée. J’appelle toujours notre cagibi le «KGB».

Ne me demandez pas pourquoi, j’ai toujours pensé que le mot était d’origine amérindienne. En fait, est-ce vraiment le bon mot pour désigner cet espace où on dépose tous les objets que l’on n’utilise peu au quotidien?

J’ai décidé de clarifier tout ça. J’ai consulté Le Petit Robert. La première trace écrite du mot date de 1902. Il proviendrait de l’ouest de la France. Autrefois, on prononçait et écrivait cabigit et cabagit, un dérivé du mot cahute. La définition actuelle est: «Pièce de dimensions étroites, généralement dépourvue de fenêtre, à usage de rangement.» Synonyme de débarras et de réduit. Exemple : Aménager un cagibi sous l’escalier.

Le Wiktionnaire écrit: «Mot dialectal de l’Ouest (cagibi, « hangar, appentis de décharge » ; cagibit, cabagit, cabagetis « méchante cabane, cahute » — (J. Rougé, Le Parler tourangeau, Paris, 1912) ; cabgit « petite maisonnette dans les champs »), issu par métathèse de cabigit, cabagit « cahute » forme apocopée de cabagitis → voir cabas et cabajoutis. »

La définition actuelle: «Local de petite dimension, sans fenêtre, à usage de rangement.»

Le Wiktionnaire apporte l’exemple suivant: Dans un cagibi […] reposaient des générations de bottes et de bottines — (Simone De Beauvoir, Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958)

Le site de Linternaute le décrit comme une petite pièce servant de débarras. Le mot réduit serait un synonyme. Son équivalent en anglais est storage room.

C’est bien beau tout ça, mais comment expliquer la phrase suivante que j’ai trouvée, page 1001, dans le roman policier Les inconnus dans la maison de George Simenon: «À huit heures du matin, le palais de justice ouvrait ses portes et, derrière les barrages, sous un ciel glacé, deux cent personnes se bousculaient.

«C’était fatal, et pourtant il ne put s’empêcher de froncer ses sourcils touffus : Mme Manu était là, dans le cagibi où son fils attendait entre deux gendarmes.»

Bizarre, non? Un cagibi dans un palais de justice. Remarquez que Simenon était belge.

Le site Bob nous apporte un début de réponse avec sa définition du mot cagibi. «Petite cabane ; petit réduit, petite loge, réduit, pièce où l’on entasse des hommes (mil.) ; petit local, petite chambre, petite cabane ; petit domicile ; logement de tranchée, abri ; petit bureau.»

Selon le site Bob, c’est un terme provenant de l’Ouest de la France d’où proviennent, comme on sait, la plupart des Canadiens originaires de France. Le site ajoute: «Terme d’argot usité en Algérie (Garver1917) / Ce mot a une origine très parisienne : c’est celui que les mannequins des grands couturiers donnent à la pièce où elles attendent, vêtues de fourreaux noirs, le désir des clientes (Dech1918) / d’après cage + bi, par analogie avec chassebi ; le mot existait avant la guerre dans l’argot des couturiers pour désigner la pièce où attendent les mannequins (Dauzat1918).»

Comme on voit, le cagibi n’a donc pas toujours été ce réduit où, comme on dit à Trois-Rivières, on entasse tous les cossins.

Références:

  • Le Petit Robert à l’article cagibi
  • Simenon, romans, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Les inconnus dans la maison, 2003, 1493 pages

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